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J’avais souvent remarqué que de nombreuses vendeuses ont en commun un langage bien à elles, constitué de termes et d’expressions spécifiques. A n’en point douter, ce langage propre est principalement destiné à provoquer l’acte d’achat. Mais je ne peux pas m’empêcher d'y voir aussi, au même titre que la french manucure carrée et strassée, un moyen de montrer et revendiquer leur appartenance à la grande famille des vendeuses.
C’est en tout cas ce qui m’a sauté aux yeux hier, lorsque Sabrina (qui ne m’avait pas précisé son nom, mais qui avait plus une tête à s’appeler Sabina que Domitille ou Ségolène), m’a alpaguée. Ensemble, tentons de comprendre les subtilités de sa langue (percée, cela va de soi).
« Dans les tons bleus je vais avoir ça »
Elle utilise le « je », et ce même si elles sont 72 à travailler dans la boutique, et parle systématiquement au futur proche. Ainsi, si elle te brandit un article en te disant qu’elle va avoir ça, ne lui demande pas quand elle va le recevoir, elle l’a déjà, tu vois bien, nigaud.
« Je vais avoir ce petit top, aussi »
Elle aime utiliser l’adjectif « petit ». Elle va avoir des « petites » jupes, des « petits hauts », mais jamais des « grandes chemises » ou des « gros pantalons ». Même si ladite chemise t’arrive aux pieds et que ledit pantalon est un 54. D’ailleurs, elle te conseillera sûrement de le porter avec des petites ballerines, que tu fasses du 36 ou du 44.
« Si vous voulez je peux vous le mettre en cabine. »
Si jamais l’essayage est concluant, elle te la mettra en caisse. Dans le cas contraire, elle la remettra en rayons. Ou alors tu lui demanderas une autre taille qu’elle ira chercher en réserve. Mais si jamais tu te tâtes un peu, n’hésite pas à lui demander de la garder en mains.
« C’est du coton, ça se détend »
Sois rassurée si ton pantalon te coupe la circulation sanguine et anéantit toute tentative de pliage de genoux, c’est du slim, c’est normal. Et c’est du coton, ça se détend, et au prochain lavage tu redécouvriras aussitôt les joies de la marche.
« C’est du coton, ça bouge pas »
Le coton est une matière intelligente. Qui se détend quand il y a besoin, et qui bouge pas le cas échéant. Un peu comme le stretch, en fait.
« Ca se porte comme ça »
Tu soupçonnes ton petit top d’être un peu grand, rapport au fait que tu pourrais inviter toute ta famille dedans ? C’est moche, pas pratique (tu te prends les pieds dedans, un peu, quand même), mais c’est normal, ça se porte comme ça.
« J’ai une petite jupe qui va avec »
En vrai elle n’en a pas qu’une. Elle utilise juste le singulier, même si elle en a 37 en rayons. D’ailleurs, si elle te conseille de l’assortir avec une petite tong, n’aie crainte, en réalité il lui en reste au moins deux.
« Ca va avec tout »
Devant ta mine circonspecte face à ce petit haut prune à pois marrons, Sabrina tient à te rassurer, « ça va avec tout ». Si tu lui demandes « avec quoi par exemple ? », elle te répondra « Oh bah avec du prune, du marron… » Puis comme elle se rendra compte de la galère dans laquelle elle s’est embarquée, elle ajoutera indéniablement : « … du jean, du petit pois, du petit tee-shirt basique… »
Ca va avec DU TOUT, on te dit.
Puis si jamais après tout ça tu hésites encore, Sabrina t'assènera le coup final et l'argument ultime, avec un air complice et entendu.
"J'ai le même à la maison".
Forcément là, tout de suite, te voilà conquise.
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Commentaires
3ZcommeDodoLundi 9 Mai 2011 à 23:446SavannahMardi 10 Mai 2011 à 10:41
Toujours te faire croire que tu es unique, que tu es une bombe et que les fringues de la boutique ont toutes été taillées pour ton incroyable petit corps.7SayaMardi 10 Mai 2011 à 11:05
Mais ce que je préfère après le "merci, au revoir" de la cliente :
"Non, c'est MOI qui vous remercie" (avec l'air très satisfait)
^_^
Une fois, il y a très longtemps (dans une galaxie très lointaine), quand Jules s'appelait encore Camaïeu Hommes et que ma maman me payait encore mes vêtements, un vendeur m'a sorti à propos d'un pull : "Il ne reste plus que celui-là sinon j'aurais acheté le même" ou quelque chose comme ça, c'était il y a très longtemps (sur une lointaine planète). Et ben il m'a duré quelques années, ce pull Snoopy !
Mais QUI/QUOI est très sympa ??10LenaMardi 10 Mai 2011 à 18:3411sabMercredi 11 Mai 2011 à 13:55
Je rajoute un truc: "faites vite, ça part comme des petits pains" (le rayon gavé à bloc)
et encore un truc: au moment du passage à la caisse avec la robe, on a souvent le "ah oui elle est sympa celle là", oui genre t'aurais pu aussi bien dire "ah c'est la moins bien qu'on ait"
Mais ayant été vendeuse (Etam lingerie, trois ans plein temps), je pourrais en dire pas mal aussi sur le langage comportemental de la cliente (celle de l'espèce reloue en tous cas)... Notamment lorsqu'"on" (je)(moi) n'a pas "LEUR" taille .Parce que tu peux être sur que dans ces moment là, c'est pas "le magasin" qui n'a pas ta taille, mais TOI, et que si elle pouvait te faire bouffer ta culotte pour te forcer à lui donner SA taille, elle le ferait (la cliente reloue uniquement, il y a aussi des gentilles clientes, plein )
(air contrarié et suscpicieux de la cliente à qui visiblement, le Ciel a décidé d'en vouloir aujourd'hui) " Ah bon... et quand est-ce que VOUS allez recevoir MA taille ?
Réponse : on n'est jamais au courant des arrivages/ réassort à venir (même si parfois on fait semblant ). Tout au plus sait-on si en ce moment on recoit, ou non, bcp de réassort sur l'article en question (ledit réassort pouvant, manque de chance, cesser du jour au lendemain).
Du genre aussi :
"mais enfin, voyoooons, pourquoi c'est pas soldé cet article alors que le même en rouge et le même en noire le sont? Normalement vous êtes obligée légalement de me le faire au prix des autres, Maaaademoiselle" (bah tiens, c'est moi, obscure sous-fiffre, qui décide des modèles soldés, et c'est moi qui sait pourquoi, le patron m'a téléphoné ce matin pour m'expliquer) (suggestion : le modèle version rose fluo - à poids prunes- étant une erreur manifeste de goût et de tendance, on solde souvent d'abord les trucs moches et invendus en priorité) (et obligée de rien du tout !!).
Sinon, hélas, hélas, je disais moi aussi : "je vais voir si je l'ai". Probablement parce que quand tu fais cette verif 40 fois par jour, 6 jours sur 7, ca te gave assez vite de faire appel, conceptuellement parlant, à la notion de "magasin", tu fais simple, tu vas voir "si tu l'as" )). Allez, avouons que quand la vendeuse est en forme, il lui arrive de se fendre d'un : "je vais voir si nous l'avons en réserve."
(enfin, y a pas à dire, je suis contente d'avoir changé de boulot depuis )
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.hahahahahaha!!!!