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D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours rêvé qu'on m'écrive des belles lettres d'amour.
Je me rappelle de trajets entiers, dans la voiture avec mes parents, à écouter du Francis Cabrel en fermant les yeux très forts et en imaginant que c'était à moi qu'il s'adressait. Malgré mon jeune âge et mon inexpérience totale des choses de la vie, je vous assure que j'en mouillais déjà ma petite culotte.
C'est, à peu près à la même époque, à Mickaël V. que je dois ma première lettre d'amour.
6 mots.
"Je veux te baisé signé Mickaël".
Ok, il n'accordait pas les verbes mais je vous rappelle pour sa défense qu'il s'appelait Mickaël.
Même si je ne percevais pas exactement le sens de ses mots, je sentais que là-dedans il y avait de l'amour, aussi m'empressai-je d'annoncer à mes parents, à table, que Mickaël V. voulait me baisé, qu'il n'était pas très beau mais que c'était gentil quand même.
Après avoir manqué d'avaler leur fourchette en espérant y trouver la mort et envisagé de me changer d'établissement scolaire, mes parents m'expliquèrent avec le plus grand calme que Mickaël avait sûrement l'intention de me baiser la main, voilà, c'est ça, c'est comme ça qu'on faisait au XVIIIème, on baisait la main des jolies femmes, il avait juste oublié "la main", il était galant mais étourdi, bon tu veux un dessert maintenant.
Ca m'étonnait un peu du garçon connaissant ses méthodes, mais peu importe, de toute façon il m'intéressait pas, il sentait un peu le chien mort et il avait toujours des dépôts blancs sur les lèvres. Je lui fis donc dans un souci de courtoisie passer un petit papier sur lequel j'inscrivai : "C'est très gentil mais non merci".
Dossier clos. Ou presque.
Les mois ont filé, Mickaël est passé au plan B qui consistait à se tripoter la nouille en faisant profiter à ma petite famille au téléphone de son plaisir solitaire, puis ça a été au tour des années de filer, Francis m'a fait de moins en moins d'effet, et j'ai même reçu quelques jolies lettres, moins directes, plus étoffées, et plus conjuguées que celle de Mickaël.
Aujourd'hui, ça commence à faire un petit moment que ça ne m'est pas arrivé, et de mon poète de mec actuel, la plus longue déclaration écrite reçue s'apparente à un "T où ma grosse ?" par texto.
Alors forcément à ce stade, tu peux tergiverser, espérer, ou t'inquiéter.
Et puis un jour, tu vas sur le marché avec lui et tu achètes de la tapenade. (si si, attends, tu vas voir il y a un rapport)
Au moment où tu portes à ta bouche le morceau de pain que tu viens de tartiner, tu es comme transportée. Tes papilles frétillent, les mots et les images affluent sous l'effet des saveurs, et tu commences à penser à voix haute : tu es dans le midi, le soleil brûle ta peau, même marcher pieds nus sur la terrasse est insupportable, tu cherches l'ombre et la fraîcheur, tu penses à la sieste d'après et au rayon de soleil qui viendra te réveiller, ça a la goût de la paresse et des soirées d'été, ça a le goût de l'odeur du chlore et de la pelouse brûlée.
Devant son silence, tu crois l'avoir emmené dans les tréfonds de ton imagination alors tu lui demandes, pour qu'il embraye, ce que lui évoque cette exquise explosion de saveurs.
Il te répond que ça a le goût d'olives, quoi.
Alors tu comprends que son problème c'est pas qu'il t'aime pas assez.
C'est juste qu'il manque un peu d'imagination.
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Commentaires
Il ne pourra pas aller sur l'île aux enfants alors ? Pourtant je ne crois pas que ce soit ça.
L'imagination n'est pas forcément liée à l'imagerie poétique.
Moi-même débordant beaucoup d'imagination, je ne poète pas plus haut que mon cul pour autant.
C'est une question de part des choses. L'imaginaire chez certains est bien cloisonné loin des sens. Ainsi une odeur ou un goût resteront une odeur et un goût, pas une envolée lyrique qui parle de brise marine, de pirates et de viols collectifs. Et il en va de même pour les compliments aux femmes.
Et à côté de ça ces hommes écriront des livres se passant dans des mondes extraordinaires, ils feront du jeu de rôles et seront capable de jouer la schizophrénie sans se mélanger les pinceaux entre leurs différentes personnalités simulées.
Voila.
C'est comme ça.
Mensonge n°1 : L'enfantement est une joie et la maternité un Bonheur.
Mensonge n°2 : Le point G c'est facile à trouver (en gros, hein, je résume)
Mensonge n°3 : Toutes les Filles sont des Princesses, et les Princesses, on les appelle Mon Amour, Ma bien-aimée, ou, à la rigueur, Mon trésor.
Dans l'esprit "moi aussi je" : la dernière (en date) déclaration d'amour de mon mec c'était juste avant que je prenne l'avion sans lui (ce qui veut dire que potentiellement il pourrait ne jamais jamais me revoir ou peut être pas savoir si je suis pas sur une Ile genre Lost) :
"Attache ta ceinture Grolapin"
Il a un poil plus d'imagination que le tien : je suis donc un "grolapin". Mais gros quand même. Et pour un reviens ma bien aimée que serais-je sans toi, je peux crever
(1) : heureusement, y a la Biclyclette Bleue qui se charge de réduire (un peu) l'effet néfaste de la Trilogie des 3 Mensonges.4GaëlVendredi 25 Mars 2011 à 21:42
Je voudrais être une larme
Pour naître dans tes yeux
Vivre sur ta joue
Et mourir sur tes lèvres.
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(Là, t'es contente ma GROSSE?)
En vrai, une fois j'ai trouvé dans un placard une ramette de vieux papier épais, tout jauni et taché qui attendait là depuis au mois 50 ans. Genre, quand tu vois un type dans un film écrire une lettre d'amour, c'est sur ce papier là. Alors je l'ai embarqué et j'ai acheté un stylo plume de calligraphie pour voir ce que ça donnait dessus: effectivement, ça fait très lettre-enfiévrée-écrite-à-la-bougie-et-à-la-plume-d'oie-sur-feuille-de-parchemin. Très très kitch, donc. À supposer que me vienne l'idée d'envoyer des douceurs à quelqu'une, je me vois mal le faire là-dessus sans être sûr de passer pour un psychopathe ou un demeuré.
Mais je garde la ramette, j'aime bien l'idée de la page sentimentale encore vierge. Ça fait comme si la vie te donnait un crédit de 500 lettres d'amour à écrire et puis paf, fini, au trou. (Il m'en reste 497: j'en ai utilisé une pour essayer le stylo plume et deux autres pour éplucher des patates dessus, parce que j'avais plus de journal).
La perspective d'être fournie à vie en produits d'entretien était tentante, mais la faute d'orthographe m'a empêchée de composer son numéro.
Je dois être trop snob.
"Des dépôts blancs sur les lèvres": c'est précisément à la lecture de cette phrase que j'ai pété de rire.
Je ne sais pas pourquoi.
Sinon, j'ai vu José Garcia en raconter une hier et elle m'inspire ce poème pour toi:
Chère Camille,
Tu es ma fée Clochette,
Tu virevoltes sur mon nez
Tu me fais mentir
Pinocchio.
Ça t'émeut, non ?
Cher David,
Il risque d'y avoir un petit problème. La fée Clochette est une lectrice régulière de ce blog et bon enfin voila quoi, je vais la prévenir tout de suite !9La fée ClochetteDimanche 27 Mars 2011 à 03:2810geffDimanche 27 Mars 2011 à 19:25
J'aurai été très étonné que ce gougeât te pelote,
Même si sa technique d'approche était plutôt rigolote.
Une chose est sûre, si il n'a pas changé, il n'a jamais du utiliser sa carotte.
Je te laisse, on se bigote ?
Moi dans le genre 1ère lettre d'amour, A. m'avait écrit : "Si tu veux on peut se faire un piou le matin, ça se verra pas". J'étais en 5ème, et jamais de la vie je voulais l'embrasser en public !!! ...
Du temps à passer depuis ... et heureusement ... !12IsalabelgeMercredi 30 Mars 2011 à 13:02
Donc, voilà, il faut démystifier la lettre d'amour, je crois. On n'a qu'à lire Rimbaud et puis c'est tout.
"Jeff, la première fois qu'jt'ai capté, t'as mis mon coeur à l'amende, direct. J'te l'dis cash : j'pars en vrille total si tu lâches l'affaire. J'te kiffe. Sophie."
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Sinon, texte à la vérité très vraie quoi : comme beaucoup de garçon, la tapenade a le goût d'olives, et écrire des lettres d'amour, bah ça sert à quoi ?