• Dans la vie, il y a deux choses que j'aime par dessus tout. (Et là tu t'attends à ce que je te dise "ma fille" et que je te ponde un billet sur le bonheur d'être mère et l'émerveillement quotidien que ça procure. Mais non reviens, promis je t'en parlerai pas, il y aura même du sexe et des poils)

    C'est boire des cafés en terrasse et parler. (Ma fille aussi je l'aime hein, mais c'est un amour différent)

    Le problème, c'est que contrairement à ce qu'on pourrait croire, ces deux passions ne sont pas très compatibles.

    Rapport au petit blocage que je me fais quand il s'agit de discuter en présence d'inconnus attablés à la même terrasse, dans un périmètre de 12 mètres environ autour de moi. Blocage lui-même directement lié à ma grande pudeur, doublée d'une légère paranoïa qui me pousse à croire que tout le monde cherche à écouter ce que je dis, surtout ce petit couple là-bas, à l'opposé de la terrasse, et qui fait semblant de se parler et de s'embrasser pour mieux tromper l'ennemi.

    Alors quand une amie se met à m'expliquer son goût pour le blowjob, je serre les dents en implorant le ciel pour que l'inconnu à côté de nous croît qu'elle parle de sa recherche d'emploi.

    En général, devant mon air gêné et mes signes affolés pour qu'elle se taise, la copine en question, qui n'en est pas une pour rien, utilise alors gestes, mimes, silences entendus et "hmm-tu-vois-quoi" pour brouiller un peu les pistes.

    La discussion prend alors des airs de Taboo géant, qui présente l'avantage d'être compris par personne, mais l'inconvénient de m'inclure dans le lot.

    Et l'autre jour, alors que j'étais seule en terrasse, discutant avec moi-même de choses inavouables en toute liberté, deux jeunes filles se sont assises à côté de moi.

    Le flanc gauche de la première touchait le mien droit, mais elles ont entamé leur conversation comme si elles étaient seules au monde.

    La première des deux avait le feu au cul les hormones qui la chatouillaient. Avec Adrien ça allait pas trop parce que tu vois avec un mec elle a besoin qu'il y ait des choses sexuelles, or là ça fait 3 semaines qu'ils sont ensemble (ouais ok elle est partie 2 semaines en vacances entre temps mais ça compte quand même), et il a rien tenté. Et le plus chelou c'est que quand il l'embrasse, il bande. Alors ce week-end c'est décidé elle va lui faire un massage de ouf et elle va se faire un ticket de métro, et s'il tente rien bah elle se remet avec Dorian, parce que lui ok il écoutait de la musique pourrie mais au moins c'était pas un puceau.

    A ce stade, je me suis quand même dit que j'avais un peu de marge, avant d'avoir l'air con en parlant de sexe.

    La seconde jeune fille, bien qu'acquiesçant docilement au récit de la première, avait pas l'air bien à l'aise en me voyant prendre des notes.

    Elle a voulu changer de sujet, et cherchant des yeux un prétexte pour élever le débat, a saisi la carte des plats qu'elle a regardé un court instant avant de déclarer :

    "Ah ouais je t'ai pas raconté j'ai failli arrêter le poisson parce que sur la route des vacances on a écrasé un renard".

    A ce stade, je me suis dit que j'avais encore beaucoup de marge, avant d'avoir l'air con en parlant tout court.


    7 commentaires
  • Etre tendance, c'est un travail de chaque instant. Je veux dire, tu peux porter un pantalon carrot et un borsalino, voter à gauche, écouter du jazz manouche, être pour la réouverture des maisons closes et la dépénalisation du cannabis, adorer les macarons et le cinéma d'art et d'essai, et être totalement has been. 

    Si tu dis "Merki", par exemple.

    A une époque, celle du règne d'Elie Semoun et de l'avènement de Mikeline, grâce à ce mot, tu provoquais l'hilarité générale et les sourires complices de ceux qui se reconnaissaient dans cette référence culturelle.

    Aujourd'hui, au mieux, tu récoltes quelques sourires compatissants. 

    Car que veux-tu, à chaque époque ses expressions tendances, et les autres. 

    Tiens, à l'adolescence par exemple, j'étais tendance. Et pas que grâce à mon béret Kangol et mon bombers Schott (à ce propos, si je retrouve celui qui m'avait piqué l'étiquette à scratch dans les vestiaires du gymnase du collège, je milite pour le rétablissement de la peine de mort). J'étais tendance surtout parce qu'à l'époque, mes boutons étaient blancs de chez blancs, mes parents chiants de chez chiants et mes cours naz de chez naz. 

    Bref, tu l'as compris, si en 95 tu n'utilisais pas l'expression "... de chez...", c'était presque aussi craignos que d'avoir un bombers School acheté sur le marché ou un agenda Continent sans dédicaces de tes potes.

    Après, t'as quand même des expressions qui traversent le temps sans prendre une ride. "C'est clair", par exemple. A tel point qu'aujourd'hui, même en militant contre l'introduction dans le langage courant d'expressions ridicules, si t'es d'accord avec quelque chose, il y a même pas vraiment d'autre mot qui te vienne. "C'est évident", à la limite. Sauf que, la faute à "C'est clair", "C'est évident" ça sonne presque "Et Coco t'enfonce une porte ouverte là." Donc si tu veux pas te fâcher avec Coco, t'as plus qu'à serrer les dents et à dire "C'est clair" et puis basta.

    "Trop", aussi. Il fut un temps, pas si vieux que ça, où "trop" voulait dire excessivement. Aujourd'hui, "c'est trop bon" n'a rien de péremptoire, pas plus qu'"il est trop sympa" où "il sent trop bon".

    Les parents ont bien tenté de faire de la résistance (les miens, en tout cas), s'évertuant, à chaque fois, de nous mettre en face de l'absurdité de la phrase, par des ruses du type "Ah il sent trop bon ? Bah faudrait qu'il se roule dans la merde pour sentir un peu moins bon alors" et autres "C'est trop bon ? Bah on va mettre un peu de piment dedans pour que ce soit mon bon peut-être."

    Puis un jour, tout a basculé : leur jardin est devenu trop beau, leurs nouveaux amis trop gentils et leur fille aînée trop bonne.

    Je leur laisse 3 ans avant que leur retraite soit trop pas confortable et leurs couches trop pas étanches. 

    Quelques années plus tard, on a fêté l'arrivée de l'expression dans ton cul. Façon de parler, pas dans ton cul à toi, quoi. De l'expression "dans ton cul", si tu préfères. 

    On l'a sorti à toutes les sauces. Entre amis (On sort où ce soir ?), en famille (Elle est où Mamie ?), au travail (Où avez-vous rangé le rapport compta ?). Et régulièrement encore, mon sac à main se retrouve dans mon cul, avec mes bottes noires, ma fille, mon chargeur de portable et mes clés. Oui je sais, ça fait du monde. 

    Puis il y a celles qui m'énervent. Au top 3 desquelles, le scandaleux "ou pas". Je sais, je le dis. Mais est-ce que j'ai déjà dit que j'étais irréprochable ?

    Faut dire, à sa décharge, qu'il est bien pratique pour conclure une phrase qui ne trouve pas de fin, sauver une blague qui tombe à l'eau, répondre quelque chose à quelqu'un quand on a pas écouté. 

    En deuxième place, le "ça, c'est fait". Au choix, d'une voix traînante et languissante "voilààà, çaaa, c'est fait...." ou ferme et définitive : "ça, c'est fait !". Et dans les deux cas, l'envie de répondre "Bon voilà, je te prends pour un con, ça, c'est fait aussi."

    Et sur la première place du podium, une que vous connaissez bien. Que peut-être même, toi aussi, tu prononces en mimant les guillemets avec l'index et le majeur de tes deux mains, pour expliquer dans quel était d'esprit tu étais au moment où se situe ton passionnant récit.

    T'étais en mode chacal, en mode beau gosse, en mode dégoûté ou en mode vener, quoi. 

    Tu vois, rien que de l'écrire, ça me donne un peu envie de vomir ou de te couper l'index et le majeur. 

    Du coup je crois que ça s'impose, et c'est là que je voulais en venir. 

    Je t'ai dit récemment que j'aimais pas bien le changement, il se pourrait pourtant qu'il y en ait un gros dans l'air. 

    A la fin de ce billet, tu te sentiras perplexe, et tu chercheras partout ma signature : en bas de ton écran, en petit, à gauche, à droite, sous ton clavier (ce que tu peux être sot parfois). 

    Et soudain tu te diras : mais il est où le "Kmille en mode ...", qui conclue les billets depuis plus de trois ans ? 

    Alors je te répondrai "Dans ton cul". Ou pas. 


    15 commentaires
  • Ce message s'adresse à celui d'entre vous qui a voulu pourrir mes vacances.

    Je sais, un mois sans moi, c'est long.

    Je sais, aux grand maux les grands moyens, et pour me faire revenir, tu étais prêt à tout.

    Mais quand même, si je peux me permettre, t'as poussé le bouchon un peu loin.

    Le coup du bruissement de feuilles suspect pendant qu'on prenait tranquillement l'apéro, c'était petit.

    Parce que tu ne le sais peut-être pas, mais 2 jours avant de partir, on avait appris dans les journaux qu'un homme venait de se faire couper une phalange par 2 jeunes hommes qui voulaient lui piquer son argent, dans le bled de 150 habitants qui abritait notre location.

    Ce qui nous faisait une chance sur 75 que ça soit l'un d'eux qui venait nous rejoindre pour trinquer à nos 9 doigts.

    Alors forcément, ce bruit incongru dans le buisson, ça a jeté un petit froid.

    Le sanglier de 300 kilos qui en est sorti brusquement en poussant un horrible "Gruuuik" (je t'avais prévenu, c'était horrible), aussi.

    Ca a jeté un vide, surtout.

    En 4 secondes, tout le monde était rentré dans la maison.

    Sauf moi, qui après m'être explosé violemment le genou contre le banc, n'a pu que constater que dans les situations périlleuses, on ne savait jamais de quoi les autres étaient capables. Comme par exemple vérouiller les portes une fois à l'abri, quand toi et ton genou boitait encore pour tenter de s'y mettre.

    Heureusement qu'ils ne sont pas nés en 17 à Leindenstadt, si tu préfères mieux.

    Puis si tu veux tout savoir, t'as même été à deux doigts (ou un, c'est selon) de réussir à me faire revenir parce que dans l'affaire, on a quand même failli perdre mon père, ce qui aurait bien justifié un petit rapatriement.

    Sauf que c'est de derrière les barreaux que je t'aurais écrit, inculpée pour homicide involontaire.

    Et j'aurais pu expliquer longtemps qu'il avait qu'à pas, une heure après, pousser des "gruiks" tapi dans un buisson pour me faire flipper, que je pouvais pas savoir qu'en l'aspergeant courageusement de Coca alors que j'étais moi-même cachée en hauteur, je provoquerai sa peur et sa fuite dans des "Aaaaaah" beaucoup plus aigus mais aussi terrifiants, que je pouvais pas savoir non plus que dans la panique, il se dirigerait spontanément vers le bord de la falaise qui longeait la maison.

    Une aubaine pour toi (et pour moi) (et pour lui) qu'il y ait eu un arbuste planté juste devant pour freiner sa course et recueillir son corps désarticulé et tremblant.

    Ca ne t'a pas suffi, et il t'a fallu en rajouter une couche, pendant un déjeuner paisible sous un grand chêne.

    Ca sentait méchamment l'orage, et l'un de nos hôtes qui se voulait rassurant (rapport peut être au fait qu'un mois avant, les intempéries avaient fait 29 morts à quelques kilomètres de là), nous avait assuré qu'il n'y avait pas de danger.

    Sa phrase a été ponctuée par une violente détonation qui s'apparentait fortement à de la foudre qui serait tombé à 4 mètres de nous.

    On a tous eu le réflexe utile de fermer les yeux, croyant sans doute ainsi que l'orage pourrait pas nous voir. Quand on les a rouverts, à la recherche du regard rassurant dudit hôte, son visage était blême et de son crâne à son menton coulait en de multiples trajectoires un liquide rougeâtre.

    On a bien cru qu'on l'avait perdu lui aussi, et on s'est tous regardés en se demandant s'il valait mieux cacher le corps ou pas. Une aubaine pour toi (et pour lui), il s'était juste, sous le coup de la surprise, envoyé le contenu de son verre de Bordeaux à la tronche.

    Puis, voyant que je ne revenais toujours pas, tu as joué ta dernière carte.

    Celle de l'épidémie.

    Foudroyante, et frappant chacun des habitants dans un enchaînement morbide et précis : chute brutale de l'un, le clouant au lit (ou aux chiottes, selon l'heure), résurrection aussi soudaine et strictement simultanée (à 10 minutes près) de la chute soudaine du suivant.

    L'avantage, tu me diras, c'est qu'il y avait pas la queue aux cabinets.

    L'inconvénient, c'est que ces derniers n'ont pas eu un instant de répit. Vie de chiottes quand même. Mais après tout, chacun sa merde.

    Sur cet enchaînement de grossièretés scatophiles digne d'un marmot de 3 ans et demi (poil au zizi), je conclurais en te disant que tes tentatives de nous brouiller les uns contre les autres (mais surtout moi avec les autres) auraient presque pu te faire triompher.

    T'as juste eu l'air d'oublier qu'on avait beau s'aimer mal, on s'aimait surtout tout court.

    Je rentre donc plus bronzée, reposée, et apaisée que jamais. Et t'as vu, je suis pas rancunière, je te ponds même un grand billet.

    Kmille, en mode bonne-joueuse


    6 commentaires
  • T’as sûrement déjà entendu que le meilleur moment dans l’amour, c’est quand on monte l’escalier. Bon, sauf si t’habites au rez de chaussée, que t’es cul de jatte, que tu vis au 18ème étage et que l’ascenseur est en panne, certes, commence pas à chipoter veux-tu.

    Imagine maintenant qu’en montant l’escalier pour faire l’amour, tu ne saches pas sur quoi tu vas tomber. Que ça sera peut être sur ton fantasme incarné, ou peut être sur ta tante, celle qui pique quand tu lui dis bonjour. Forcément, ça donne moins envie de les sauter deux par deux.

    Les marches, gros dégueulasse. 

    Et bien je trouve que pour les vacances, c’est un peu pareil. Le meilleur moment, c’est quand on les anticipe, à condition de savoir sur quoi on va tomber.

    D’où l’intérêt de partir tous les ans au même endroit. Alors quand mes copines m’ont dit : « ça te dit de re re re re re re faire les fêtes de Bayonne ? », j’ai dit Banco. Quand elles m’ont dit : « et ça te dit que pour une fois, on loue un truc à Anglet ? » j’ai sorti le grand jeu. Silence qui en dit long, yeux embués, et coup du « tout ça parce que je suis mère célibataire, c’est vraiment pas très gentil ». Argument qui a fait mouche, comme à chaque fois que je le sors quand on me sert moins que les autres, qu’on me klaxonne pour un pauvre refus de priorité à droite ou qu’on me demande d’aller chercher le pain.

    On est donc parties à Biarritz, pour faire les fêtes de Bayonne (on a pris la navette entre temps, je te rassure, on se serait pas ratées si bêtement) Comme l’année d’avant. Et celle encore d’avant. Et celle encore encore d’avant. Et celle encore encore encore d’avant. C’est chiant hein ? T’as de la chance que j’ai pas 57 ans.

    Tout était comme dans mes souvenirs et dans mes anticipations. A Biarritz, je veux dire. A Bayonne, c’était comme sur les photos. Oui parce qu’en général, les souvenirs y sont rares, et « ce qui est bien dans les fêtes de Bayonne, c’est que tu les redécouvres tous les ans » (Bertille, 30/07/2010).

    Le même escalier pour descendre sur la plage, le même bruit des mêmes tongs qui claquent dessus, les mêmes places pour nos serviettes (c’est à dire aucune, autant te dire qu’à Biarritz il vaut mieux aimer tes pieds et ceux des autres si tu veux t’allonger), les mêmes cafés le matin, aux mêmes heures, les mêmes bars le soir, dans lesquels si ça avait tenu qu’à moi, on aurait même eu les mêmes conversations. Même les gens là-bas avaient gardé le même âge. 16 ans et demi, en moyenne.

    Enfin je voudrais pas que tu crois quand même que je suis du genre à avoir peur du changement. A ce niveau-là, la maternité m’a donné des ailes. Par exemple, pour la première fois, on n’a pas pris le même train aux mêmes horaires, pour arriver dans la même gare et prendre le même premier bus.

    On a fait du covoiturage. Parce que les billets de train coûtaient grosso modo le prix d’un salaire mensuel moyen. (80 euros, c’est bien le salaire moyen en France hein rassurez-moi ?).

    Et que c’est convivial, aussi. En tout cas moi, il n’y a qu’en covoiturage qu’au bout de 13 minutes je me retrouve à dormir sur l’épaule de mon voisin. Heureusement pour les autres que ça n’a pas duré 3 jours, quoi.

    Par moments, j’ai cru que c’était la dernière fois, et que j’avais fait le tour. Qu’il fallait que je me bouscule, que je rompe avec les habitudes, que je m’ouvre un peu l’esprit et que j’affronte l’inconnu.

    Alors j’ai pris une décision.

    L’année prochaine, je change de tongs.

    Kmille, en mode-putain-j’espere-qu’elles-feront-le-même-bruit


    6 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires