• Vous savez, en devenant mère, on transgresse pas mal de principes.

    Plus exactement, on finit par se ranger du côté de celles auxquelles on avait farouchement décidé de ne jamais ressembler.

    Ce n'est pas faute de lutter, pourtant. 

    Ca commence dès la grossesse, où on essaye de ne surtout pas paraître trop épanouie.

    On prend l'habitude de dire que c'est lourd, que c'est chiant, que c'est long, qu'on a envie de sushis et de raclette, et que vivement l'expulsion, pour que tout s'arrête.

    On joue les Florence Foresti, en somme, prescriptirce de la mode de la maternité blasée, sans se rendre compte qu'en fuyant le cliché de la niaiserie forcenée, on se précicpite dans celui pas plus reluisant du cynisme surjoué.

    Dans les jours qui suivent la mise à bas, on évite à tout prix de dire qu'on est bouleversée, chamboulée, transformée, émerveillée, puisqu'il est de bon ton de dire que "ça" n'est pas si dingue.

    On se remet à boire et à fumer, si d'aventure on a arrêté, pour montrer au monde entier qu'on est restée la même, et qu'on adore toujours autant s'endormir dans son vomi.

    On évite de faire un compte-rendu Facebook de la consistance des selles et du rythme de sommeil de notre chérubin, et on limite à 80 les photos de lui dans nos albums virtuels.

    On joue la jeune mère moderne : celle qui remet des strings dès que son épisiotomie le lui permet pour montrer qu'elle est restée femme, et du potin dans ses conversations pour montrer qu'elle est restée conne.

    On s'efforce d'adopter un langage clair quand on nous demande par pure politesse quel âge elle a, préférent "Bientôt 2 ans" même si c'est dans 7 mois, plutôt que le redoutable "15 mois".

    Et puis un jour, tout bascule.

    On est dimanche, on est au marché. On écoute une fanfare, en regardant d'un oeil attristé ces connasses de mamans qui prennent leurs enfants dans les bras pour les faire danser, espérant ainsi avoir l'air moins con que si elles dansaient seules.

    On se contente de taper le rythme du bout des pieds, discrètement, dignement, merde quoi, on a pas besoin d'un enfant pour se donner de la contenance.

    Puis la chanson se termine. On applaudit, droitement, franchement, en regardant d'un oeil désespéré ces connasses de mamans qui empoignent les mains de leur progéniture et les tapent vigoureusement l'une contre l'autre tout en criant "Bavo ! Bavo !".

    On évite leur regard, car on sent d'où on est qu'elles guettent dans l'assemblée les regards amusés ou admiratifs des exploits de leur chiard.

    La fanfare reprend, et avant de retourner vaquer à nos occupations de jeune maman surtout pas comme les autres, on s'apprête, parce qu'avant d'être mère on est surtout une fille cool qui soutient la gauche et les fanfares, à leur donner un petit quelque chose. 

    Et soudain, on réalise.

    C'est bien notre fille qui marche, au milieu d'autres mômes, une pièce dans la main, vers le chapeau posé par terre.

    Et c'est bien toi, qui comme toutes les autres mères et avec le même sourire niais, lui a demandé d'aller l'y déposer. 

    Fais chier.


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  • ... que je le suçais.

    Je sais, c'est un peu cru, et j'ai longuement hésité à en parler ici.

    Mais c'est ainsi, et j'ai décidé d'assumer.

    J'ai encore rêvé que je le suçais.

    Quand je me suis réveillée, j'étais vraiment troublée.

    J'ai retiré honteusement de ma bouche les deux doigts qui s'y étaient glissés, comme un maigre substitut destiné à compenser son absence.

    J'ai gardé les yeux fermés quelques minutes, pour prolonger l'instant, goûtant aux dernières saveurs de sa douceur et de son odeur. 

    Il faut dire que c'était aussi bon que dans mes souvenirs.

    Pourtant depuis qu'il est parti, j'en ai sucé d'autres. Mais jamais des comme lui.

    Depuis notre séparation j'ai même entrepris de le retrouver.

    Je l'ai cherché sur Internet, je dois avouer, tapant son nom et fouillant dans mes souvenirs à la recherche d'un détail qui m'aurait mise sur sa voie.

    En vain.

    Je crois qu'il est temps de me résigner, et désormais je me contenterai d'espérer de rêver bientôt que je le suce encore.

    Mais quand même, j'aimerais bien le retrouver, mon doudou couche en plastique de quand j'étais petite.


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